Récit du 6ème voyage
par Sabine
octobre 2012

Récit de voyage de Sabine, complété par Pascale – voyage octobre 2012 ; vous pouvez décharger le récit entier

Pascale : Ce 6ème voyage a été plus court que les précédents (2 semaines). Nous nous sommes concentrées sur le travail dans les villages de Laghmani, sans vol intérieur pour aller rendre visite aux brodeuses de Hérat.
Sabine qui est mon aînée de quelques années m’accompagnait cette fois-ci. Grâce à son esprit positif, sa curiosité mais aussi au fait qu’elle soit besogneuse, elle fut une très bonne compagne. Vous allez découvrir cette fois-ci son récit de voyage. Ce seront d’autres yeux que les miens qui vont raconter. Je me permettrai cependant d’y ajouter mes propres remarques.

Sabine – Depuis lors, à Bochum, et ses environs (bassin de la Ruhr) je présente plusieurs fois par an, le projet et des carrés à la vente. Personnellement, je les intègre dans un travail de feutre rebrodé, qui est ma spécialité. Au printemps 2012, c’était clair pour moi : je voulais aussi me rendre en Afghanistan pour voir de mes propres yeux et vivre ces rencontres. Et Pascale m’emmena ! Je suis très heureuse de la confiance qu’elle m’a offerte.

Pascale – Nous avons distribué cette année de très nombreux « travaux spéciaux » – (extra-job). Nous avons confié à certaines brodeuses – grâce à leur style, leur technicité ou par nécessité (comme par ex. pour Maleha, orpheline de père et seule à gagner de l’argent) du travail supplémentaire de broderie qui est toujours le bienvenu pour gagner davantage.

Sabine – Les deux semaines à venir ne nous laissant pas de temps, nous profitons de cette première journée entamée pour visiter l’atelier de tissage de soie de Shaima Breshna, du projet AZEZANA (www.azezana.net, avec version française). Je ne livre ici que quelques impressions et informations.

Pascale – Sabine ne peut constater l’évolution avec les années passées. Il est très clair que ces deux dernières, les villageois ont acquit des vaches (une au plus par famille) : un signe que la guerre est finie et qu’ils ont les moyens d’investir. Cependant rares sont ceux qui peuvent faire du fourrage, ils profitent donc de la vache à partir du printemps en la revendant au début de l’hiver. Ils ont pour cela du lait et du combustible pour la cuisine (bouse de vache séchée en galettes).

Sabine – Mon rôle consiste à proposer des exercices de dessin pour qu’elles puissent réaliser, elles-mêmes leur croquis de broderie.
Il est souhaitable que les brodeuses soient responsables des principales décisions concernant leurs broderies. Cela ne peut que leur donner confiance en elles. Trop souvent ce sont d’autres qui s’en chargent, comme par ex. le fils, le frère, le mari ou encore la sœur.

Résumé :

  1. Observer son drap brodé. Quels sont les carrés qu’elle a dessinés elle-même ? (La plupart du temps, je pouvais affirmer qu’ils étaient les plus beaux). Pourquoi ne dessines-tu pas toi-même ? Quels sont les motifs que tu préfères broder ?
  2. Pour me rendre compte comment la brodeuse gère les dessins, je demandais de dessiner a) une tige avec des feuilles, b) une fleur.
  3. Observations, compliments, critiques constructives, l’invitation à regarder les fleurs, les feuilles tout autour de nous et observer les détails.
  4. Je fais la démonstration de quelques exercices, hachures, des lignes ondulées, des cercles, le huit couché, qui sont des exercices en courbes pour se dégourdir le poignet …
  5. Celles qui en avaient le temps et l’envie étaient conviées à s’exercer à la maison, pour s’essayer à un croquis personnel et l’amener lors de la séance de paye.

Effectivement il y eut des retours. Le plus souvent ce sont des jeunes filles qui se sont lancées et ont osé me montrer leurs essais.

En tous cas nous avons beaucoup ri (aussi lorsque je tenais la main de certaines femmes et que nous dessinions ensemble).Ce fut un bon moment de rencontre au milieu de l’agitation générale avec très peu de place et assises sur le sol (ce qui n’était pas naturel pour moi, mes genoux ont tout juste tenu le coup).

Sabine – Mon récit est très long : il y a tellement à raconter ! Les observations que j’ai pu faire, les très nombreuses conversations avec des personnes très différentes toutes ces rencontres m’ont rendue encore plus curieuse au sujet de l’Afghanistan. La possibilité sur place d’aider un tout petit peu, de guérir les plaies suite aux guerres, la possibilité de tisser des liens, celle d’être attentive aux autres et, en retour de recevoir l’attention des autres, tout cela vaut la peine, même si c’est « une goutte d’eau sur une pierre brûlante » (expression traduite de l’allemand).
Sabine Dryander.

Et pour finir, la meilleure des nouvelles : pour la toute première fois, nous avons croisé sur le chemin des villages trois jeunes filles ne portant pas le voile intégral, alors qu’elles auraient l’âge de le porter (la loi ne l’impose plus mais la tradition). Ces jeunes filles portaient tout simplement un foulard sur les cheveux et marchaient décontractées dans le village. Cela signifie concrètement que les pères les y ont autorisé, qu´ils ont su dépasser « le qu’en dira-t-on » si omniprésent dans la tradition afghane.
Ce fut une joie indescriptible pour moi d’en être témoin et je suis particulièrement heureuse de vous en faire part !
A la question posée plusieurs fois depuis mon retour : et Sarah, elle ne participe plus ? Mais si, elle s’est même rendu 2 fois seule en Afghanistan cette année, mais cette fois-ci ce fût mon tour ! Pascale Goldenberg, Décembre 2012