Premier récit spécial:
Une expérience hivernale difficile

Nous étions en Afghanistan en septembre, mon accompagnatrice Sarah et moi. Nous voulions tenter une expérience et demandions aux femmes de nous broder une « collection d’hiver ». Pour cela, nous nous sommes retrouvées chez Shamin du village de Kakara et nous lui avons demandé son accord qu’elle nous donna, sans vraiment savoir ce qui l’attendait (ni nous).

Normalement, chaque brodeuse se voit distribuer une quantité de fils correspondant au nombre de carrés qu’elle peut broder ; c’est moi, Pascale, qui ait fixé ce nombre dépendant de son âge, de la qualité et du style de sa broderie.

Dans le cas présent, nous voulions agir différemment : nous laissions chez Shamin un gros carton de fils dans les tons nature dont beaucoup de blancs. Il était prévu qu’à la collecte suivante (donc en plein hiver), les femmes de ce village se servent elles-mêmes les fils, se les choisissent donc. Avec cette palette de couleurs, orientée très atmosphère hivernale, nous demandions aux brodeuses de nous documenter l’hiver (nous expliquions cela dans une lettre collective aux femmes de ce village).

On peut affirmer que cette expérience n’a pas réussie à cause des raisons suivantes :
Les brodeuses ont eu besoin de beaucoup de temps pour choisir leurs fils à broder parce qu’elles n’étaient pas heureuses de la palette de couleurs (il n’y avait justement pas de couleurs !). Elles adorent les couleurs brillantes et fortes… De plus, la pièce de Shamin était trop petite pour accueillir toutes les femmes qui attendaient donc dehors dans la froidure de janvier. Le trimestre suivant, je m’en excusais dans une lettre collective.
 
Alors que les draps brodés de ce village arrivait au printemps à Fribourg, le drap brodé par Rahima était le seul correspondant à notre attente. Les autres brodeuses avaient brodé un voire deux carrés avec un motif hivernal. Tous les autres carrés étaient très colorés, car elles avaient utilisé les fils à brodés restant de fois précédentes.
Elles n’aiment pas le blanc ? L’hiver leur prend trop de forces ? Elles n’avaient pas envie de réfléchir à une nouvelle gamme de motifs?

Nous apprenons, que la neige ne se trouve pas seulement en haut des montagnes mais partout; que les toits en terrasse doivent être libérés de la neige; que le parapluie sert aussi de paraneige; que tout comme chez nous, on porte une écharpe et un bonnet et que les enfants fabriquent aussi des bonhommes de neige.

On se tient chaud grâce au bokhari (une sorte de poêle à bois et surtout ciure) et sous le sandali: il s’agit d’une sorte de table basse en bois sous laquelle on dispose une boite en métal remplie de braises; une grande couverture y est étalée, les bords retombant généreusement jusqu’au sol. Les personnes passent des heures le bas du corps au chaud (mais le dos au froid).