Premier (et dernier ?)
voyage en hiver

Premier (et dernier ?) voyage en hiver
C’est la 1ère fois que j’ai dû organiser mon voyage en hiver. En effet le calendrier de ma vie d’Européenne, de mère de quatre fils et d’épouse, a ses impératifs. Même s’il est vrai qu’il n’y a pas de gros problèmes à gérer en Afghanistan, il est clair que je doive avoir ce contact régulier avec les brodeuses pour gérer chaque contrat des 167 femmes engagées.

Les Afghans grelottent
On m’avait prévenue que l’hiver en Afghanistan est terriblement froid. J’avais emporté des vêtements chauds. Quant aux Afghans ils ne sont pratiquement pas plus habillés en hiver que pendant la période chaude. Ils marchent dans la neige, avec leurs chaussures en plastique et sans chaussettes. Ils grelottent toute la journée et ne cherchent pas à y remédier, comme s’il n’y avait rien à faire qu’à accepter qu’il y ait entre 3 et 5°C dans leur maison ; aussi ils toussent et sont en proie à une bronchite chronique.
Observez dans les photos les scans de broderies représentant le sandali, la construction qui permet de réchauffer le bas du corps, quand le haut doit se contenter de ces 5°C ! Les Afghans utilisent aussi un poêle, le bokhari. Ces aides exigent de brûler de la sciure ou du bois qui coûte une fortune, ce qui fait qu’ils ne sont pas utilisés en permanence.

Au cours de mes 2 précédents voyages j’avais bien reconnu que le risque majeur en Afghanistan réside dans les allers-retours en voiture entre Kaboul – où je dois dormir – et Laghmani où je retrouve les femmes. Mais avec la neige devenue glace avant 10 h et après 16 – avec des pneus totalement lisses, en tenant compte du comportement typique « rapport de force » au volant, la portion de route empruntée ressemble à un champ de bataille. Après cette première journée, je décrétais que la broderie est une belle chose mais qu’elle n’exige pas de prendre autant de risque. Je ne reviendrais plus en hiver.

Retrouver les femmes
… comme si nous nous étions quittées la veille

Mais je dois aussi tenir compte de l’importance de la fête de l’Aïd qui donne lieu à des traditions à respecter. Conjointement à la distribution à chacune du salaire du travail rendu depuis octobre, je vis la chose la plus sensée de mon séjour : il s’agit de « récolter » les draps brodés et de les commenter. Je considère ces rencontres personnelles comme l’activité la plus excitante du projet. Je tente de leur expliquer quels sont les carrés intéressants, ou au contraire ceux qui sont monotones. J’essaye d’aller aussi loin que possible dans mes commentaires. Je tente de les orienter, tout en douceur, dans une direction, sans rien leur imposer, pour qu’elles aient toujours accès à leur champ créatif. Il s’agit toujours que chaque brodeuse recherche, découvre et cultive sa propre signature.
Ce séjour est aussi le moment destiné à attribuer à chaque brodeuse le nombre de carrés qu’elle est autorisée à broder et lui remettre le support et les fils correspondant. C’est aussi à ce moment-là qu’il va falloir décider que 12 d’entre elles ne peuvent continuer. Seulement deux d’entre elles ont reconnu qu’elles ne brodaient plus assez bien.

Fin du séjour, les adieux !
Rappelons que c’est lors de notre période de Noel que la pendaison de Saddam Hussein eut lieu. Certes les Afghans ne l’aimaient pas, mais il était musulman et la solidarité est évidemment très forte. Comment la provocation des Occidentaux ? Des Américains ? pourra-t-elle permettre, un jour, que les peuples se réconcilient ?

Dans l’ensemble les femmes brodent de mieux en mieux. Chaque livraison apporte une surprise renouvelée, c’est un émerveillement à découvrir dans cette broderie forte et pleine de caractère. Comment imaginer que ces femmes, analphabètes, en fuite pendant plus de vingt ans, qui ont dû se battre pour survivre, aient gardé ce potentiel créatif fabuleux, au sein de cette misère quotidienne ?
De plus, en s’appuyant sur la base de la tradition, comment ont-elles su en si peu de temps trouver des chemins contemporains dans l’expression artistique ? Pour en savoir plus, vous pouvez décharger le récit de voyage en entier.