Pascale Goldenberg
„Jardins bricolés“
Brodeuse Golgotai

« Ces carrés de Golgotai sont les premiers à faire preuve d’une recherche personnelle de composition. Ceux précédemment livrés (voir les carrés rouges travaillés par Martine Molet-Bastien) reproduisaient –avec toutefois une certaine originalité- les motifs de la broderie du type Kandahar.
Pour Golgotai, bien qu’experte, l’exécution des points différemment agencés et réellement composés, -où l’on reconnaît encore des éléments « Kandahariens »- semblait lui poser quelques problèmes ; on la sent hésitante, en recherche.
Ensuite, trois mois plus tard, elle changea totalement de style, abandonnant définitivement les constructions presque fragiles au profit de grandes fleurs généreuses (les carrés devinrent aussi plus grands), de motifs le plus souvent figuratifs (fruits, fleurs, animaux, un autobus…)
J’en parlais avec elle en décembre 2006: « Je brode ce que tu veux, je peux tout broder ». C’est vrai que ce style récent et généreux correspond bien à sa personne, elle-même chaleureuse »

« Les jardins bricolés »
On trouve en Afghanistan un genre de patchworks traditionnels très particuliers réalisés par les Turkmènes. Ils combinent les techniques de l’assemblage couture (le patchwork) et celle de la broderie main (rubans brodés au point de croix). Ces deux techniques aussi intimement mêlées au sein d’une même pièce sont très exceptionnelles dans le monde textile. Ces patchworks traditionnels servaient exclusivement comme décoration murale, soit collés directement au mur de terre encore humide, soit suspendus par 2 boucles aux angles supérieurs. Ils ne possédaient jamais de doublure, les coutures à nu, visibles sur l’arrière. Je commençais mon propre patchwork en m’inspirant du modèle turkmène.
Il semble que lors de l’exécution de ces patchworks turkmènes, il y eut des spécialistes de la broderie sur ruban qui les brodaient par dizaines de mètre et celles qui exécutaient l’assemblage.
Je gérais de même le travail de couture en 2 phases, commençant par l’exécution, non pas de rubans brodés, mais de planches de tissus brodés à la machine. Pour cela j’utilisais la manne toute particulière constituée par les tombées (le plus souvent des bandes) colorées récupérées sur les draps envoyés pour le travail de broderie. Ainsi, pas un cm² de ce patchwork ne contient un tissu neuf, chaque morceau a fait l’aller et retour FRIBOURG-KABOUL-LAGHMANI; C’est aussi cet esprit de la récupération qui devait orienter mon travail.
Si les Afghanes savent très bien broder, en revanche, elles cousent très mal. Qu’un col soit plus long de quelques cm d’un côté, cela n’a semble-t-il aucune importance. Il en est de même pour le travail exécuté par les hommes : lorsqu’ils réparent une porte, il s’agit qu’elle tienne quelques jours, au plus quelques semaines, mais pas dans la durée. Par contre, les maisons en adobe (mélange de terre et d’herbes séchées piétinées) sont construites avec beaucoup de soin et de solidité.
J’attaquais l’ouvrage dans un style de couture que je ne me permettrais pas d’exécuter en Europe, j’insufflerais un esprit de bricolage à ce travail qui s’appellerait « jardins bricolés ». Ainsi donc, de même que je me lançais dans l’exécution de cette pièce, sans plan ni croquis, comme une aventure, de même je repensais à cette aventure démarrée trois années auparavant, sans savoir ce qu’il en adviendrait … et ce qu’il en adviendra ! »

Commentaires de Pascale Goldenberg